Quels points communs entre un jardin vivrier et quelques pots d’herbes aromatiques sur un bord de fenêtre ou dans une cuisine ? Entre le potager de plein air et le « potager » d’intérieur connecté ? Tout et rien à la fois ! Il y a d’un côté la même envie de verdure, de vrai, de sain, et de savoir d’où vient ce que l’on mange. Il y a de l’autre le grand fossé qui sépare souvent ceux qui ne peuvent vivre qu’à la campagne et ceux qui ne jurent que par la ville.
Sauf que les choses évoluent et que la conscience du besoin d’un avenir meilleur commence à nous rapprocher à nouveau avec le besoin d’une effective prise en compte des règles écologiques, quels que soient les milieux de vie. Ainsi voit-on « la ville » s’intéresser au compostage, aux ruches ou aux poulaillers, et « la campagne » limiter sa consommation d’eau ou bannir les produits phytosanitaires dangereux.
Alors… au-delà de ce qui peut encore diviser, profitons mieux de ce qui peut nous rapprocher, et cultivons notre jardin en considérant les vraies questions de fond.
Légumes bio ou légumes du jardin ?
L’exemple des légumes ou des fruits est révélateur de ce qui entraîne parfois une incompréhension entre personnes vivant dans des milieux différents. Nombreux sont les jardiniers qui, depuis des temps immémoriaux, continuent de produire leurs fruits et légumes de manière parfaitement saine, avec des résultats très qualitatifs et fondamentalement respectueux des lois de la nature. Fumiers et compost, mais aussi cultures dérobées et paillages sont des pratiques très anciennes et sans cesse perpétuées par eux. Ces derniers surveillent leurs plantes pour ne pas avoir à traiter, éliminant à la main les premiers parasites, brûlant les premières feuilles atteintes de maladies cryptogamiques, etc. Ils gardent le plus souvent les semences de leurs propres productions pour avoir des semis et plants l’année suivante. Bref… ils sont garants de la qualité de leurs produits tout autant que de celle du milieu dans lequel ils produisent. C’est que faire un jardin ne doit pas coûter cher. Ce n’est pas un jeu, mais un état d’esprit ! Le but est bien depuis l’origine de se nourrir correctement avec des aliments « maison », capables de garder en bonne santé. Fi donc des engrais et produits chimiques très onéreux, et des variétés végétales insipides !
Mais alors, d’où est venue cette nécessité de réinventer ces bonnes pratiques en les soumettant à l’obligation de labellisation bio pour être reconnues ? Pourquoi regarde-t-on avec autant de méfiance maintenant ces productions quand elles ne sont pas validées bio ? C’est qu’il y a, hélas !, une partie de jardiniers moins sages et de néo jardiniers qui ont cru pouvoir obtenir facilement fruits et légumes en copiant les méthodes des cultures intensives ! Il suffisait il y a peu encore de regarder les rayons des jardineries en périphérie des villes pour comprendre tout ce que pouvaient avoir de nocif les légumes et fruits de ces gens-là !
Une certaine prise de conscience environnementale et sanitaire a finalement permis de bannir au moins dans les points les plus critiques ces mauvaises pratiques. Cela s’est accompagné de nouveaux langages, laissant croire à l’apparition de nouveaux concepts de jardin, alors qu’il ne s’agit en fait que de formaliser ou de redécouvrir les bonnes pratiques parfois millénaires : permaculture, lombricompostage, paillage, culture bio, lutte biologique, etc.
Pas d’opposition donc entre générations ou pratiques dès lors que les produits sont bons, sains, et obtenus en minimisant au mieux nos effets négatifs sur l’environnement (puisqu’il serait faux de croire que nos actions, même les plus vertueuses, sont sans conséquence sur l’environnement). Alors, l’idée de label n’a plus grande importance pour qui veut produire ses propres fruits et légumes, puisque, à ce niveau, seuls les bonnes pratiques et les résultats comptent, dans le respect profond du sol et de la vie.
Quand la place, le temps et les savoirs manquent…
Pour autant, on a le droit d’avoir envie de produits frais même si l’on est accro aux nouvelles technologies et idées, que l’on vit en appartement avec une petite terrasse et que l’on déborde déjà d’activités ! En effet, jardiner se conjugue aujourd’hui de mille manières, qui semblent parfois antagonistes alors qu’elles ont quand même une vraie force commune : entretenir notre lien au végétal, à la vie et à la valeur de ce que l’on consomme ou utilise.
Parmi les « potagers » prêts à l’usage, et préconisés pour des logements sans jardin, il y a ceux qui se démarquent par leur véritable conscience du développement durable et de plus de respect de l’environnement. Ils méritent toute l’attention, puisque pensés à la fois dans l’esprit du recyclage, de la lutte contre le gaspillage (d’eau, de produits et matières nocifs, et d’électricité notamment) et de la production de fleurs et légumes exactement adaptés à vos besoins, aux saisons et aux conditions climatiques locales. Pour les « potagers » qui intègrent aussi les technologies numériques, ces dernières sont précieuses puisqu’elles vous permettent d’avoir les bonnes pratiques au bon moment. Mieux, elles vous permettent aussi d’apprendre et de comprendre, même en ayant peu de compétences dans ces domaines ou de temps à y consacrer. Ces nouveaux « potagers » n’ont rien de comparable avec les onéreux appareils d’intérieur présentés comme 100 % autonomes, relevant plutôt du gadget.
Pour qui dispose d’un peu plus de temps ou de connaissance, sans avoir beaucoup de place, d’autres solutions, non connectées, également à base de produits recyclés ou de matériaux recyclables offrent des perspectives formidables. Vous implantez votre potager où vous le pouvez ou le souhaitez, sur votre balcon, un toit-terrasse, un patio ou une courette, sans salir et de manière totalement réversible. Pensés pour une ville meilleure, par des amoureux de la ville et de la vie, ces produits sont en quelque sorte un condensé ingénieux des principaux concepts de jardin durable.
Les problèmes phytosanitaires : une vraie question au jardin de production
Légumes et fruits, en particulier et quels que soient les lieux et la surface qui leur sont réservés, sont particulièrement sujets aux attaques parasitaires, et aux maladies cryptogamiques, bactériennes ou virales. Les raisons globales sont facilement compréhensibles :
- La culture des fruits et légumes concentre sur un même espace une faible diversité d’espèces végétales, favorisant grandement la prolifération des problèmes sanitaires une fois leur apparition, même en mélangeant les rangs ou pieds de variétés différentes.
- La densité des jardins, donc plus ou moins des mêmes plantes cultivées sur des secteurs donnés, accentue ce phénomène et facilite la dissémination.
- Même en privilégiant les variétés les plus résistantes aux diverses attaques, il s’agit quand même de végétaux moins robustes que les espèces sauvages originelles.
- Petit ou grand, un jardin est un lieu plus ou moins artificialisé et très fréquenté. Les oiseaux, batraciens, insectes et autres espèces prédatrices des parasites y sont rares, car ils exigent de l’espace et de la quiétude et une vraie qualité de leur milieu de vie.
Aussi est-il irréaliste de croire que l’on puisse produire des fruits et légumes sans avoir à intervenir. De plus, et depuis longtemps, l’humanité dissémine involontairement de nombreuses espèces potentiellement nuisibles du fait de la mondialisation des échanges en tous genres. Certaines deviennent très invasives et ravagent les nouveaux milieux où elles s’implantent ! Privilégier les plantes locales au jardin ne résout pas les problèmes et ne répond pas aux changements climatiques en cours ni aux questions culturelles. Faut-il éradiquer les platanes au prétexte qu’ils sont exotiques ? Et que faire face aux graves attaques de la pyrale sur le buis ou de la bactérie Xylella fastidiosa sur les oliviers, espèces végétales pourtant endémiques de certaines de nos régions ! N’oublions pas que la plupart de nos fruits et légumes sont aussi d’origine exotique ! Notons aussi qu’avec les changements climatiques en cours, bien des espèces naturelles en France et pas mal de variétés fruitières ou légumières robustes subissent de lourds dégâts (châtaigniers, cerisiers, abricotiers… dépérissent çà et là en sud de France).
Les bonnes solutions sont d’ordre biologique et écologique
Intervenir est souvent une nécessité ; cela impose de bonnes pratiques culturales, le choix des meilleures variétés et une lutte fondée sur des principes biologiques : l’exemple de la coccinelle et du puceron. La redoutable coccinelle bénéficie d’une image populaire très positive (comme l’écureuil pourtant redoutable aussi à ses heures !). Ses larves (que l’on connaît beaucoup moins et que l’on peut détruire à tort) consomment beaucoup de pucerons. Le résultat est encore plus efficace sous serre ou dans les tunnels de culture. Assez connue aussi, Bacillus thuringiensis est une bactérie insecticide réputée pour son efficacité contre les chenilles processionnaires du pin ou contre toutes les chenilles du jardin (pyrale du chou, par exemple).
Ces deux exemples illustrent le principe de la lutte biologique : utiliser de manière très ciblée des espèces animales, bactériennes, ou même végétales (espèces répulsives) pour diminuer ou repousser les parasites. Pour agir efficacement, il faut faire appel à de vrais spécialistes de cette pratique. En effet, à chaque parasite correspond un « prédateur » donné, et il n’est pas question d’agir sans connaître exactement lequel, ni comment l’utiliser. Exemple : l’acarien prédateur Amblyseius cucumeris s’attaque aux thrips (redoutable petit insecte attaquant tomates, haricot vert, oignon, poireau, aubergine..) ; la guêpe parasite Encarsia formosa s’attaque à la mouche blanche ; le coléoptère Cryptolaemus montrouzieri s’attaque aux cochenilles, etc.
Avec les purins (d’ortie, de prêle…) on peut agir aussi efficacement contre les pucerons par exemple (le savon noir est également parfait) ou fortifier les plantes pour les rendre moins sensibles aux parasites.
Cette lutte se complète par l’usage de certains corps simples ou composés chimiques naturels comme le soufre, le sulfate de cuivre, la chaux éteinte… pour agir efficacement contre les champignons parasites à l’origine de nombreuses maladies cryptogamiques (mildiou, gommose, tavelure, oïdium, moniliose…).
Prendre grand soin du sol, c’est essentiel
Le jour où nos enfants seront capables de dessiner spontanément des plantes ENTIÈRES, c’est à dire avec racines et feuilles, alors la cause environnementale fera un véritable bon en avant ! Que de maux seront résolus ! Car c’est bien notre aveuglement persistant à ignorer qu’un végétal vit autant au-dessous qu’au-dessus de la surface du sol qui nous amène à si mal traiter les sols et les plantes, clés majeures de la préservation de l’environnement et du développement durable. Le sol est un milieu très complexe et organisé, grouillant de vie elle aussi organisée en chaînes complexes. Les sols sont réellement fragiles, même si nous ne semblons décidément pas nous résoudre à y attacher la plus grande importance.
La relation plante-sol est difficile à appréhender pour les non-initiés, d’où l’importance d’agir avec sagesse et prudence. Pour de bons légumes et fruits comme pour de belles fleurs, il faut préserver et soigner le sol, le substrat. Ce dernier doit être filtrant sans laisser disparaître l’eau d’arrosage ou de pluie nécessaire aux plantes, assez léger (donc aéré), riche en éléments nutritifs, et capable en même temps de tenir correctement la plante face au vent ou aux aléas climatiques. Contrairement à certaines pratiques anciennes, il s’avère pour une fois que les découvertes récentes nous démontrent que le sol n’a pas besoin d’être travaillé de mille manières. Dans la nature, selon les climats et les roches, les sols se construisent selon divers horizons superposés et interagissant. Il est tout à fait possible de reprendre tout ou partie de ce principe pour avoir de bonnes productions (l’une des bases d’une culture plus « naturelle »). La clé est alors dans la matière organique morte et sa décomposition.
Tellement mieux que les engrais chimiques
La matière organique morte, majoritairement apportée par les plantes elles-mêmes, est essentielle à la qualité du sol. Elle allège celui-ci, l’enrichit d’éléments nutritifs multiples, retient correctement l’eau, limite les excès de réchauffement ou de refroidissement, assure la présence d’une vie riche et diversifiée… C’est l’alliée du jardinier.
Dans la pratique, il y a plusieurs manières de l’utiliser. En premier lieu, en utilisant des godets biodégradables pour produire les plants (le godet s’enterre avec la plante et continue à nourrir la plante tout en enrichissant le sol. Le paillage épais et régulier de matériaux organiques joue le rôle de l’humus des bois en surface du sol, avec de multiples atouts (pas de désherbage, moins d’arrosage, plus de vie, apport massif d’éléments nutritifs [Potassium Phosphore Azote, oligo-éléments (bore, fer, calcium, manganèse, magnésium…)], peu ou pas de gel du sol ni de dessèchement/craquèlement. Enfin, l’apport de compost est essentiel si l’on travaille le sol, ou lors de la plantation. C’est un juste retour à la terre de ce que la nature a produit. Le compostage, ou lombricompostage est donc une pratique de haute qualité pour l’environnement, quelle que soit la taille du jardin. C’est en plus un excellent moyen d’utiliser les déchets organiques et donc de réduire les volumes des poubelles ! Il existe à cet effet d’ingénieux composteurs, y compris pour l’appartement ou pour un balcon ! Et beaucoup de belles idées pour les jardins petits à moyens. Par contre, dans les grands jardins et vergers, la construction simple de grands bacs à composter s’impose, pour gérer des volumes beaucoup plus conséquents.
Au fait, le savez-vous ? Plus vous piétinez et roulez sur le sol et plus il se dégrade et perd ses qualités. Prévoyez donc des allées et utilisez-les !