Des principes naturels au service de vos plantes, de votre jardin

Évoquer l’idée de nature au jardin fascine et inquiète à la fois. D’un côté, nous aspirons à un environnement plus sain et proche de la vision idéalisée que nous avons d’une nature belle, pure et harmonieuse. De l’autre, nous sommes prisonniers de l’idée que sans contrôle total de nos espaces de vie, de multiples dangers et problèmes surgissent pour nous porter préjudice. Des oiseaux qui chantent, des marguerites qui fleurissent, des fruits des bois qui s’offrent à nous, des papillons qui volent, le vent qui anime les délicates graminées… contre les mauvaises herbes qui envahissent tout, les parasites, nuisibles, et autres pestes qui détruisent nos cultures et anéantissent nos efforts, et mille autres dangers qui piquent, mordent, brûlent, démangent, et pullulent ! Est-ce là l’ambiguïté qui nous dérange autant ? Qu’on se le dise, la nature n’est ni l’un ni l’autre, et en même temps un petit peu des deux, mais de manière BEAUCOUP plus apaisée. Ni terreur, ni exaltation, ni processus qui nous échapperaient sans domination : tout est beaucoup plus simple et facile si l’on accepte d’y croire.

De la nature humaine à la Nature

Plus on cherche à vouloir tout contrôler, plus les choses se passent mal quand il s’agit de « nature ». C’est évident en parlant de la nature humaine, car nous aspirons tous à une certaine liberté d’agir et de penser, tout en répondant pourtant aux lois que nous avons voulu et mis en place. Oui, il y a des personnes qui nous paraissent meilleures que d’autres, des comportements qui nous dérangent, etc., mais avec un peu de tolérance, de patience, de volonté et de sens, il n’est quand même pas si difficile que cela de vivre dans une société comme la nôtre. Ce petit détour sur l’Homme suffit pour illustrer la nature en générale, qui répond exactement aux mêmes principes, et qui n’est pas si « sauvage » ni idyllique non plus. Elle a ses lois, sans cesse remises en question par les événements qu’elle traverse et la vie qu’elle abrite ; elle a aussi ses libertés qui permettent à chaque espèce, chaque individu de trouver le champ nécessaire à leur développement. Nous sommes partie intégrante de la nature, quoi que puissent en dire certaines idéologies ou croyances. Par conséquent, comme toute autre espèce vivante, nous sommes aussi soumis à ses lois et à ses champs de liberté. Il y a beaucoup de possibilités d’agir comme nous le voulons, mais quand on va trop loin… tout dérape. C’est exactement ce qu’il se passe, et « la nature » nous le rappelle en nous envoyant des signaux à coup de catastrophes et problèmes divers qui finiront par nous éliminer si nous ne les écoutons pas. Qu’une espèce sorte trop du champ des possibles, et elle finit par disparaître pour laisser la place à d’autres évolutions. Nous avons l’intelligence, c’est une chance extraordinaire pour nous si nous savons nous en servir.

« La nature, pour être commandée, doit être obéie »

Ces mots résolument intemporels de Francis Bacon datent de 1620 ! Nul autre propos n’a jamais aussi bien résumé, depuis, le formidable équilibre à trouver vis-à-vis de la nature, humaine comprise. Nous l’avons tellement oublié depuis l’application généralisée de la révolution industrielle au dix-neuvième siècle que nous étions certains de pouvoir tout contrôler dans nos productions et nos jardins, et nous émanciper de la nature. Échec ! L’aseptisation de nos espaces de vie ne s’est fait qu’à grand coup de bétonnage ou goudronnage, de produits toxiques et d’actions mécaniques sans cesse appliquées et répétées à grands efforts et coûts, pour un résultat très provisoire et très peu satisfaisant à nos sens et à notre esprit. Au jardin, plus on veut contrôler, plus il y a d’efforts et de dépenses financières à faire, inutilement d’ailleurs ; d’où cette vision encore extrêmement tenace chez beaucoup d’entre nous qu’un jardin est source de contraintes multiples, et coûte cher à entretenir si l’on veut qu’il soit beau, et productif (fleurs, fruits, légumes). C’est totalement faux ! C’est même tout le contraire si l’on applique les bons principes, avec les bonnes espèces, car l’entretien est des plus réduits et le résultat peut être magnifique avec un peu de goût. Un beau jardin foisonnant de plantes et de vie est bien moins contraignant que ce que trop de gens pensent encore.

Premier impératif : respecter le sol et lui redonner le premier rôle

Le jour où nous apprendrons aux enfants à dessiner un arbre avec des branches ET des racines, avec autant de petites bêtes sur les secondes que sur les premières, un grand pas sera franchi dans la compréhension de notre environnement ! Le sol compte pour plus de 50 % dans un jardin, car il y a aussi de l’air dans le sol, et de l’humidité, en plus des éléments nutritifs et de la fonction de maintien de la plante. Ce n’est pas qu’un « support de culture » ! Terme bien maladroit qui le banalise jusqu’à exclure son incroyable complexité et sa richesse vivante. Un sol doit se respecter, et être accompagné prudemment pour offrir tout son potentiel, clé majeure de la réussite de vos plantes. Voici deux principes fondamentaux, faciles à essayer pour le jardin d’ornement ou le verger notamment.

  • Le paillage organique. C’est un formidable allié. La matière organique végétale est la base indispensable de la constitution d’un sol riche et vivant. Sans elle, la terre n’est que matière infertile. Feuilles et autres débris végétaux tombés sur la terre se décomposent, et ce d’autant plus vite qu’il y a de l’humidité, ce qui est le cas en automne et en hiver. Cette couche de matière organique abrite des êtres vivants qui favorisent la décomposition en s’en nourrissant. Puis, d’autres minéralisent la matière décomposée pour donner des éléments nutritifs riches et facilement absorbés par les racines des plantes. Une bonne couche de matière organique sur le sol est la promesse d’une bonne source essentielle de nourriture pour vos plantes, au point qu’en deux à trois ans il n’y a plus besoin d’utiliser le moindre engrais. De plus, la terre sous-jacente devient de plus en plus légère, aérée et vivante, ne nécessitant plus de travail du sol. Régulièrement approvisionnée, cette couche apporte de multiples autres atouts : peu à pas de germination ou de développement d’herbes indésirables, bien meilleure conservation de l’humidité du sol (donc bien moins d’arrosages), peu à pas de gel ou de refroidissement brusque, pas de boue en surface ni de terre collante, pas de terre éclaboussée par la pluie sur les feuilles et tiges, peu ou pas de ruissellement de l’eau…
  • Un travail du sol modéré. Pour décompacter le sol du verger ou des massifs d’arbustes, surtout si vous avez appliqué les bonnes pratiques de paillage qui favorisent naturellement l’équilibre du sol, ou pour réaliser vos massifs de plantes annuelles ou de vivaces, il faut éviter de trop bousculer le substrat et sa précieuse dynamique vivante. Comme il existe des griffes pour aérer les gazons, il y a des bêches spécifiques pour cet usage. Pour réaliser un massif de fleurs annuelles, par exemple, il vous suffit d’épandre du compost sur le sol, de pratiquer ce bêchage qui va alléger l’ensemble terre et matière organique sans tout retourner, puis de planter en écartant le substrat là où vous le souhaitez pour y glisser vos jeunes plantes ou godets. D’année en année, vous obtiendrez un sol de plus en plus « performant », meuble et riche avec peu d’efforts.

Quel paillage utiliser ? Excepté pour de tout petits espaces, inutile d’utiliser les coûteuses écorces de pins broyées (et autres éléments décoratifs comme les noyaux ou coques concassés) qui, seuls, ne peuvent jouer tous les rôles espérés d’un paillage organique. Pour vos massifs de plantes vivaces et arbustes, vos pieds et bosquets d’arbres, votre verger ou vos allées de potager, l’excellente idée est le broyat de bois. En 5 à 10 cm d’épaisseur entre vos plantes, sur un sol préalablement désherbé (c’est un effort initial qui ne sera plus à refaire), le bois va lentement se décomposer par le bas et assurer toutes les fonctions physiques et biologiques attendues. La bonne idée consiste à acheter, pour un coût très modéré, un gros volume de plaquettes de bois, les mêmes ou presque que celles destinées aux chaudières à silo, afin de couvrir toute la surface en une fois. Ensuite, le broyage des tailles et élagages de jardin suffit à alimenter la couche, ou ne nécessite que peu de compléments. Attention toutefois, pour les plantes grasses, les cactées et autres plantes de milieux secs ou subdésertiques, le paillage organique est à remplacer par un paillage minéral épais de cailloux et pierres, ou galets de diverses tailles, plus efficaces que de simples graviers.

Second impératif : choisir les plantes adaptées à votre sol et à votre climat

La diversité variétale en plantes ornementales, en légumes et en fruitiers est si vaste qu’il est absurde de vouloir, contre nature, planter absolument des végétaux peu ou pas adaptés aux caractéristiques de votre milieu. C’est de l’argent inutilement dépensé pour changer le substrat de culture, pour arroser abondamment, pour amener des engrais adaptés ou pour changer les plantes qui vont nécessairement mourir. Outre le gaspillage engendré, c’est aussi le meilleur moyen de s’imposer des contraintes. Dans les milliers de choix possibles, il y a nécessairement beaucoup de belles plantes adaptées aux lieux considérés : l’offre des nombreux pépiniéristes de France est exceptionnelle, incomparablement plus riche que celle des grandes surfaces (aux produits banalisés sur l’ensemble du territoire et majoritairement issus de production de masse). L’arrosage est alors minimisé au mieux et peut tout à fait être résolu en regroupant par place les quelques plantes les plus exigeantes et en utilisant des poteries d’irrigation, par exemple. Pour des arbres, arbustes, etc. elles sont très efficaces, au même titre que pour des bacs, jardinières ou grosses potées… La diversité des modèles de ces très anciens systèmes, redoutablement efficaces, permet de nombreuses possibilités.

Le naturel valorise le naturel !

Au jardin, réaliser des aménagements avec des matériaux issus de la nature, pierre ou bois, apporte énormément. Mousses et lichens y trouvent aussi leur compte, autant que de nombreux insectes et autres minuscules petites vies discrètes et indispensables. Tuteurs et piquets en bois de châtaignier ou d’acacia durent très longtemps, tout autant que les ganivelles, ces clôtures au charme fou si fréquentes autrefois, parfaites pour protéger un potager, enclore des moutons, ou réaliser de jolies toiles de fond aux massifs ; diverses grimpantes et volubiles s’y accrocheront. Des murets de pierre sèche, de jolis troncs morts, quelques tas de pierre ou de bois sont des refuges pour le hérisson, la belette, la musaraigne… si utiles pour interdire la prolifération d’insectes parasites, de campagnols, de taupes… Si la nature est saine et belle, il n’y a aucune raison que le jardin ne le soit pas aussi en s’inspirant profondément d’elle !

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